La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est une maladie primaire du myocarde caractérisée par une hypertrophie inexpliquée de la paroi ventriculaire gauche, le plus souvent asymétrique, sans dilatation cavitaire. La maladie est due à des mutations des gènes codant pour les protéines sarcomériques, qui entraînent des troubles morphologiques, électriques et hémodynamiques.Épaississement de la paroi ventriculaire gauche en cas de CMH – Modèle 3D
La cardiomyopathie hypertrophique est l’une des formes héréditaires les plus courantes de cardiomyopathie et touche environ 1 adulte sur 500. Les hommes sont plus souvent atteints que les femmes (ratio approximatif de 3:2), mais chez les femmes, la maladie est généralement diagnostiquée à un âge plus avancé et son évolution est plus grave.
Étiologie
La maladie est due à une altération de la synthèse et de la fonction des protéines contractiles du sarcomère, mais dans certains cas, on observe des formes secondaires associées à des troubles systémiques et métaboliques.
Jusqu’à 60 à 70 % des cas de cardiomyopathie hypertrophique sont de nature génétique monomutante.
Gènes associés au développement de la CMH
Gène
Protéine
Fréquence des mutations
MYH7
Chaîne lourde β de la myosine
MYH7 et MYBPC3 représentent environ 70 % des cas de mutations
MYBPC3
Protéine C liant la myosine
MYH7 et MYBPC3 représentent environ 70 % des cas de mutations
TNNT2
Troponine T
Environ 5 % de mutations
TNNI3
Troponine I
< 5 % de mutations
TPM1
Tropomyosine
< 5 % de mutations
La maladie se transmet selon le mode autosomique dominant, c’est-à-dire qu’un seul gène modifié provenant de l’un des parents suffit pour qu’une personne soit affectée. La probabilité d’apparition de la maladie est élevée, mais la gravité et les manifestations cliniques peuvent varier considérablement, même au sein d’une même famille.
Dans environ 30 % des cas, la mutation apparaît pour la première fois, sans antécédents familiaux.
Certaines maladies peuvent mimer le tableau clinique de la cardiomyopathie hypertrophique, mais ont une origine pathogénique différente. Il est extrêmement important de les distinguer de la forme primaire (sarcomérique), car le traitement et le pronostic en sont différents.
Affections avec hypertrophie secondaire (phénocopies de la CMH)
Maladie
Mécanisme
Particularités
Maladie de Fabry
Maladie héréditaire de surcharge lysosomale (déficit en enzyme α-galactosidase A)
Épaississement des parois, diminution de la contractilité, dysfonctionnement diastolique
Ataxie de Friedreich
Maladie autosomique récessive causée par des mutations du gène FXN (maladie mitochondriale)
Neurodégénérescence progressive (ataxie, faiblesse et atrophie musculaires, troubles de la parole, etc.)
Glycogénoses (par exemple, maladie de Pompe)
Accumulation de glycogène dans les lysosomes des cellules, surtout dans les muscles et le cœur
Souvent accompagnée d’une atteinte des muscles squelettiques
Hypertension artérielle systémique
Hypertrophie myocardique réactionnelle
Généralement symétrique, avec antécédents d’hypertension
Même en présence d’une mutation du gène de la protéine sarcomérique, la gravité clinique et l’évolution de la cardiomyopathie hypertrophique dépendent de facteurs supplémentaires tels que :
régulateurs épigénétiques ;
hypertension artérielle concomitante ;
effort physique intense (en particulier à l’adolescence) ;
sexe et statut hormonal (les femmes présentent plus souvent des formes obstructives, mais avec une manifestation plus tardive) ;
antécédents familiaux de mort cardiaque subite.
Pathogénie
Dysfonctionnement sarcomérique
Les mutations génétiques (cf. « Étiologie ») entraînent :
une sensibilité accrue au calcium ;
une diminution de l’efficacité contractile ;
une augmentation des besoins énergétiques.
Conséquence : développement d’une hypertrophie compensatoire du myocarde, principalement du septum interventriculaire, en particulier au niveau de la voie d’éjection du ventricule gauche (VG).
Hypertrophie et altération de la relaxation (dysfonctionnement diastolique)
L’épaississement des parois entraîne :
une diminution de la compliance du ventricule gauche ;
un trouble de son remplissage en diastole ;
une augmentation de la pression diastolique.
Conséquence : développement d’une stase dans la circulation pulmonaire, qui se manifeste par une dyspnée et d’autres symptômes d’insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection préservée.
Rétrécissement prononcé de la voie d’éjection du VG (forme obstructive)
60 à 70 % des patients développent une obstruction de la voie d’éjection du VG.
L’effet Venturi pendant la systole provoque une rétraction du feuillet antérieur de la valve mitrale vers le septum (phénomène de mouvement systolique antérieur, ou SAM), une augmentation du gradient de pression et le développement d’une régurgitation mitrale.
Conséquence : surcharge hémodynamique croissante, qui aggrave les symptômes et augmente le risque d’arythmies.
Obstruction de la voie d’éjection du VG due à un épaississement du septum interventriculaire – Modèle 3D
Ischémie microvasculaire
Le myocarde hypertrophié a besoin de plus d’oxygène, mais :
le réseau capillaire ne parvient pas à compenser la croissance tissulaire ;
un déséquilibre survient entre les besoins et l’apport en oxygène ;
une fibrose des vaisseaux de petit calibre est souvent observée.
Conséquence : développement d’une ischémie myocardique avec des artères coronaires normales, ce qui entraîne des douleurs thoraciques, une fibrose et un risque accru d’arythmies.
Fibrose et instabilité électrique
En réponse à l’ischémie et à la surcharge mécanique du myocarde, une fibrose interstitielle et focale se produit, entraînant :
une perturbation de la conduction de l’influx ;
l’apparition d’arythmies ventriculaires ;
un risque accru de mort cardiaque subite.
Animation 3D – Cardiomyopathie hypertrophique
Manifestations cliniques
Dyspnée à l’effort, fatigue ;
Douleurs thoraciques (angine de poitrine) sans atteinte des artères coronaires ;
Mort cardiaque subite, en particulier chez les jeunes patients et les sportifs présentant une forme obstructive ;
Insuffisance cardiaque : à fraction d’éjection préservée (ICFEp) ou avec diminution de celle-ci aux stades avancés. Elle se manifeste par des œdèmes, une orthopnée, une tachycardie et une diminution de la tolérance à l’effort ;
Évolution asymptomatique : chez 25 à 30 % des patients, la maladie est détectée lors d’un dépistage basé sur les antécédents familiaux. Cela n’exclut pas un risque élevé de complications.
Diagnostic de la cardiomyopathie hypertrophique
L’échocardiographie (échocardiographie transthoracique) est la technique clé du diagnostic primaire qui permet de :
évaluer l’épaisseur du myocarde (le diagnostic est probable lorsque l’épaisseur de la paroi est ≥ 15 mm chez les adultes ou ≥ 13 mm chez les parents au premier degré présentant une CMH confirmée) ;
déterminer la répartition de l’hypertrophie : asymétrique, concentrique ou apicale ;
détecter une obstruction de la voie d’éjection du VG (gradient ≥ 30 mmHg, cliniquement significatif ≥ 50 mmHg) ;
révéler le phénomène de SAM (rétraction systolique de la valve mitrale) et la régurgitation mitrale ;
évaluer la fonction ventriculaire gauche et la présence d’une dysfonction diastolique ;
mesurer les dimensions des atriums (en particulier gauche, en raison du risque de fibrillation auriculaire).
L’IRM cardiaque est recommandée si :
l’échocardiographie ne permet pas d’évaluer avec précision l’épaisseur des parois ;
une forme apicale ou atypique de CMH est suspectée ;
une évaluation de la fibrose myocardique est nécessaire.
Elle permet de :
révéler la répartition et le degré d’hypertrophie ;
identifier les zones de fibrose associées à un risque accru d’arythmies et de mort cardiaque subite ;
établir une différenciation avec les phénocopies (par exemple, l’amylose).
Électrocardiographie : non spécifique ; des changements pathologiques sont pourtant détectés chez plus de 90 % des patients. Les signes d’hypertrophie ventriculaire gauche sont les suivants :
ondes Q atypiques (dans les dérivations V4–V6, I, aVL), qui peuvent imiter un infarctus du myocarde ;
modifications du segment ST et inversion de l’onde T ;
évaluation de la gravité des troubles du rythme cardiaque et des indications de DCI.
L’épreuve d’effort (tapis roulant ou ergospirométrie) est réalisée pour :
évaluer la tolérance à l’effort physique ;
révéler une obstruction de la voie d’éjection du VG ;
déterminer le gradient à l’effort ;
identifier les symptômes ischémiques sans sténose des artères coronaires.
Le test génétique est recommandé :
aux patients atteints de CMH confirmée (en particulier aux patients jeunes ou présentant des antécédents familiaux de mort cardiaque subite) ;
pour le dépistage des parents au premier degré (enfants, frères/sœurs, parents) ;
en cas de suspicion de phénocopies (maladie de Fabry, maladies mitochondriales, etc.).
Gènes détectés : MYH7, MYBPC3, TNNT2, TNNI3, TPM1 sont les plus fréquents.
Marqueurs biologiques :
NT-proBNP / BNP : élevés en cas de surcharge de pression ou de dysfonctionnement diastolique ;
Troponine T/I : peut être modérément élevée en cas d’ischémie microvasculaire.
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Traitement de la cardiomyopathie hypertrophique
Modification du mode de vie :
Exclusion des activités physiques intenses et des sports ;
Contrôle de la pression artérielle et du poids corporel ;
Dépistage des parents au premier degré.
Traitement médicamenteux :
Bêtabloquants (de préférence : bisoprolol, métoprolol) ;
Vérapamil : en cas de contre-indications aux bêtabloquants ;
Disopyramide : en complément en cas de forme obstructive ;
Mavacamten : nouveau médicament dont l’efficacité dans la réduction du gradient et l’amélioration des symptômes a été prouvée (selon ESC 2023 et AHA 2020).
Traitement chirurgical
Indications :
Gradient de la voie d’écoulement du ventricule gauche (LVOG) ≥50 mmHg au repos ou à la provocation ;
Symptômes graves (NYHA III-IV) ne pouvant être traités par des β-bloquants, du vérapamil ou du disopyramide ;
Régurgitation mitrale proéminente associée au phénomène SAM.
Myectomie septale étendue :
Chirurgie de référence pour la cardiomyopathie obstructive ;
Réalisée par mini-sternotomie ou sternotomie complète, dans certains cas par mini-thoracotomie antérieure droite ;
Ablation d’une partie du septum interventriculaire hypertrophié afin d’éliminer le gradient de pression ;
Si nécessaire, plastie mitrale ou résection des cordages secondaires ;
Complications possibles : blocs, besoin d’un DCI, gradient récurrent.
L’ablation septale à l’alcool (intervention endovasculaire) est plus souvent utilisée chez les patients pour lesquels la chirurgie ouverte est contre-indiquée ou présente des risques trop élevés.
Injection d’éthanol dans une artère perforante → Infarctus local → Réduction de l’épaisseur du septum ;
Risque de bloc atrio-ventriculaire complet (jusqu’à 10 %) : nécessité d’être prêt à implanter un stimulateur cardiaque ;
Résultats moins prévisibles ;
Risque d’élimination incomplète de l’obstruction.
Mise en place d’un défibrillateur cardioverteur implantable (DCI)
Indications :
Antécédent de mort cardiaque subite ou tachycardie ventriculaire persistante ;
Épaisseur de la paroi du VG > 30 mm ;
Antécédents familiaux de mort cardiaque subite ;
Syncopes d’étiologie inconnue ;
Fibrillation ventriculaire gauche < 50 % avec évolution progressive.
Transplantation cardiaque : chez les patients en phase terminale, souffrant d’insuffisance cardiaque réfractaire malgré le traitement.
FAQ
1. Qu’est-ce que la cardiomyopathie hypertrophique ?
La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est une maladie dans laquelle le muscle cardiaque (généralement la cloison entre les ventricules) s’épaissit anormalement. Contrairement à l’hypertrophie due à l’hypertension ou à des malformations valvulaires, dans le cas de la CMH, l’épaississement est lié à des mutations génétiques et non à une surcharge cardiaque.
2. La CMH est-elle héréditaire ? Le dépistage des membres de la famille est-il nécessaire ?
Oui, dans la plupart des cas, la CMH est héréditaire et se transmet selon le mode autosomique dominant. Le dépistage des parents au premier degré est recommandé.
3. Quels sont les symptômes pouvant indiquer une CMH et quand faut-il consulter un médecin ?
Les symptômes comprennent la dyspnée, des douleurs thoraciques, des vertiges et des syncopes, surtout à l’effort. Si vous présentez ces symptômes ou si vous avez des antécédents familiaux de mort subite, consultez un cardiologue.
4. La CMH est-elle dangereuse ? Peut-on vivre longtemps avec cette maladie ?
Avec un diagnostic précoce et un traitement approprié, la plupart des patients mènent une vie normale. Cependant, dans certains cas, la CMH augmente le risque d’arythmie et de mort subite, surtout en l’absence de traitement.
5. En quoi la forme obstructive de la CMH diffère-t-elle de la forme non obstructive ?
Dans la forme obstructive, l’épaississement de la cloison empêche l’éjection du sang du ventricule gauche, ce qui provoque des symptômes plus prononcés. Dans la forme non obstructive, l’éjection n’est pas perturbée.
6. Peut-on faire du sport en présence d’une CMH ?
En présence d’une CMH, les sports intensifs et de compétition sont déconseillés. Une activité physique modérée est pourtant autorisée, en accord avec le médecin traitant.
7. Quels examens sont nécessaires pour diagnostiquer une CMH ?
Une ECG, une échocardiographie (échographie cardiaque), une IRM cardiaque, une surveillance Holter de 24 heures et un test génétique (si indiqué) sont généralement réalisés.
8. Comment traiter la CMH ? La chirurgie est-elle nécessaire ou les médicaments suffisent-ils ?
Le traitement repose sur les médicaments. Dans les cas graves, une intervention chirurgicale ou une ablation septale percutanée peuvent être nécessaires.
9. Qu’est-ce qu’un DCI et quand est-il mis en place en cas de CMH ?
Le DCI est un défibrillateur cardioverteur implantable, un dispositif qui prévient la mort subite due aux arythmies. Il est implanté chez les patients à haut risque sur recommandation d’un médecin.
10. Est-il possible de guérir complètement la CMH ? Quel est le pronostic ?
La CMH ne peut pas être complètement guérie, mais il est possible de contrôler efficacement ses symptômes. Avec une approche appropriée, le pronostic est favorable, surtout en l’absence de complications graves.
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